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le chien d’or

entre lui et moi, comme un spectre, et elle me barre un chemin qui me coûte cher ! pensait-elle…

VII.

— II fait très chaud ici, Bigot, fit Angélique ; je ne puis supporter plus longtemps cette atmosphère de feu. Je ne danserai plus. J’aime autant aller sur la terrasse, prendre des lucioles, que poursuivre ici, sans pouvoir le rattraper, l’oiseau qui s’est échappé de mon âme.

L’Intendant lui offrit son bras et la conduisit au jardin.

Ils se promenèrent longtemps ensemble, dans les grandes allées bordées de roses, et sous les flots de lumière qui tombaient des lampes partout suspendues.

— Quel est donc cet oiseau favori, Angélique, qui s’est échappé de votre âme ? demanda Bigot.

— Le plaisir que j’espérais goûter au bal, répliqua Angélique. Je ne m’amuse pas du tout !

Elle savait cependant que ce grand bal avait été donné à cause d’elle surtout.

— S’il fallait en juger par votre gaieté, Angélique, je croirais vraiment que vous avez eu Momus pour père et Euphrosine pour mère, repartit l’Intendant. Si vous n’avez pas de plaisir c’est que vous le laissez tout aux autres… Mais je sais où s’est envolé l’oiseau que vous regrettez et je vais vous le rendre, continua-t-il.

— Chevalier, un roi met son bonheur dans la loyauté de ses sujets ; une femme, dans la loyauté de celui qui l’aime !

Elle attacha sur Bigot un regard qui en disait plus que les plus éloquentes paroles.

Bigot sourit en pensant qu’elle était jalouse. Il dit tout haut :

— C’est un aphorisme auquel je crois de tout mon cœur ; et si la femme trouve le bonheur dans la loyauté de son amoureux, vous êtes la plus heureuse personne que je connaisse, Angélique des Me-