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le chien d’or

l’orient, et devenir cette étoile du matin qui nous annonce un beau jour.

Pierre ne disait rien. Il regardait Amélie et son ivresse ne se lassait point. Il la regardait avec le respect que l’on aurait pour un ange. Il ne savait pas ce qu’elle allait répondre, et le doute, par moments, traversait sa félicité, cruel comme un dard aigu. Et pourtant, la main de l’ange restait dans la sienne, comme un oiseau dans le nid doux et chaud dont il ne veut plus sortir.

— Pierre, commença enfin la jeune fille,…

Elle voulait lui dire qu’il fallait rejoindre les autres amis. Elle n’en eut pas la force, ou les paroles furent trop lentes à venir.

— Le bon Dieu lui permet de m’aimer, pensait-elle, puis-je demeurer insensible ?

Elle fit un effort cependant, un effort léger pour se lever et se diriger vers le lac. Ainsi font toutes les femmes qui ne veulent point paraître aimer trop.

— Pierre, dit-elle enfin, allons rejoindre nos compagnons : ils vont remarquer notre absence.

Elle ne bougea point, toutefois, un fil de la vierge aurait suffi pour l’enchaîner là à jamais… Elle avait les yeux baissés. Sa bouche pouvait se taire, mais ses yeux, ils ne pouvaient déguiser leur flamme.

Pierre devenait plus hardi.

— Amélie, fit-il, tournez vers moi ces beaux yeux et voyez si les miens sont menteurs. Mieux que mes paroles ils vous diront, Amélie, comme je vous aime !

Elle tressaillit soudain, mais ce ne fut point de surprise ; cet aveu devrait venir. Elle ne répondit rien, le regarda avec des larmes dans les paupières et comme instinctivement se rapprocha de lui.

— Amélie, continua Pierre, c’est votre amour que j’ai toujours demandé au ciel, c’est votre amour que je vous demande ! oh ! dites ! voulez-vous, pouvez-vous m’aimer ?

— Oui, répondit-elle, et elle se mit à pleurer comme dans une grande douleur, tant son allégresse était vive.