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le chien d’or

parer de l’homme qu’elles aiment, pas même dans les terribles lieux de désolation dont parle le livre extraordinaire de Dante.

— C’est une croyance bénie ! exclama Pierre.

Et il pensa :

« Vous êtes une de ces femmes, et celui que vous aimerez sera éternellement aimé !  »

Ensuite il ajouta tout haut :

— Un pareil amour est inutile et perdu, car personne ne peut le mériter.

— Je ne sais pas, fit-elle. Cet amour, c’est Dieu qui nous le donne ; nous pouvons bien le donner aussi… Il ne vaut que ce que vaut notre cœur, et il ne demande pas autre chose que d’être accepté !

— Amélie ! s’écria Philibert, en se tournant vers elle tout à fait, mais les yeux fixés sur le sol, Amélie, c’est un pareil amour que j’ai toujours rêvé, toujours demandé ! je ne l’ai peut-être jamais trouvé, ou je n’en suis peut-être pas digne… mais je le veux ou je mourrai ! je le veux où je le cherche et pas ailleurs !

Amélie de Repentigny, pouvez-vous me dire où il se trouve ?

Amélie sentit un frisson de plaisir et de terreur courir dans ses veines. Elle souriait et pleurait : elle ne s’apercevait guère, dans son trouble, que sa main venait d’être saisie par une main brûlante. Elle ne songeait pas à la retirer ; elle n’était pas capable de parler.

Philibert comprit que cet instant allait décider de sa vie. La main tremblante qu’il tenait allait le repousser pour toujours ou l’enchaîner à jamais.

III.

L’ombre s’épaississait sous les arbres, et les teintes roses du couchant s’étaient effacées. Comme une lampe qui éclaire les amours, l’étoile du soir étincelait encore près de l’horizon bruni, mais elle allait disparaître bientôt pour renaître plus brillante, à