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LE CHIEN D’OR

dame de Beaumanoir, l’autre est à moi ; si jamais vous avez le malheur de dire à qui que ce soit au monde, un mot de ces secrets, je vous arrache la langue et la cloue à cette porte ! Souvenez-vous de cela, Fanchon ! Je ne manque jamais de mettre à exécution les menaces que je fais !

— Oh ! pas besoin de me regarder ainsi ! répondit Fanchon, toute tremblante. Je suis bien sûre que je n’en dirai jamais un mot. Je le jure par Notre-Dame de Ste. Foye ! jamais un chrétien ne saura que je vous ai donné cette lettre.

— C’est bon ! fit Angélique en se laissant tomber dans sa grande chaise. Vous pouvez aller trouver Lisette maintenant. Elle vous dira ce qu’il y a à faire. Mais prenez garde !

Fanchon ne se le fit pas dire deux fois. Le doigt menaçant d’Angélique lui paraissait comme un poignard. Elle sortit et se précipita dans les escaliers qui conduisaient à la cuisine. Pour la première fois de sa vie, elle tenait serré entre ses dents, un secret qu’elle avait horriblement peur d’échapper.

XII.

Angélique, le front appuyé sur sa main, regardait d’un œil vague les flammes légères et vacillantes du foyer. Là même, il n’y avait pas longtemps, elle, avait vu surgir une vision étrange, perverse… Elle revenait, cette vision ! Les choses mauvaises ne tardent jamais à paraître quand on les évoque. Le bien peut se faire attendre ; le mal accourt !

Les flammes rouges de l’âtre enchanté se transformèrent en cavernes ténébreuses, en gouffres lugubres. Elles prirent toutes les formes capricieuses ou terribles que s’imaginait voir l’esprit malade d’Angélique. Peu à peu, elles se changèrent en une chambre sombre, basse, secrète… Une forme triste apparut au milieu de cette chambre solitaire. C’était une femme !… et cette femme c’était la rivale préférée ! la rivale heureuse !… si la lettre ne mentait point…