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LE CHIEN D’OR

chasser ce démon par un autre plus fort. Faites venir mon cheval.

Le secrétaire obéit aussitôt.

— Souvenez-vous, recommanda l’Intendant, que le bureau de la grande compagnie doit se réunir à trois heures pour traiter les affaires ! Les affaires du jour ! Pas une goutte de vin : Soyez tous sobres comme des Juges ! Cadet comme les autres !

La paix nous menace. Pour nous, c’est l’orage ! Replions les voiles, jetons la sonde, voyons bien où nous sommes, ou nous donnerons sur quelque rocher.

V.

L’Intendant partit suivi de deux écuyers. Il franchit la porte du palais et entra dans la ville. Tout le monde le saluait : l’habitude du respect envers les supérieurs.

Il répondait par le petit salut officiel. Sa figure bronzée s’illuminait quand il rencontrait des dames, des associés ou des partisans de la grande compagnie.

Cependant, bien des souhaits de malheur l’accompagnèrent jusqu’à la maison des Des Meloises.

— Sur ma vie ! c’est l’Intendant royal lui-même ! exclama Lisette.

Et elle courut avertir sa maîtresse.

Angélique était au berceau, dans le jardin. Un petit coin gracieusement arrangé, avec des fleurs de toutes sortes, et de jolies statuettes. Une épaisse haie de troène, fantastiquement taillée par quelque disciple de Lenôstre, séparait ce petit Éden des verdoyants glacis du cap Diamant.

Sous la tonnelle, ce matin-là, Angélique était belle comme Hébé à la chevelure d’or. Elle tenait un livre d’heures, mais ne l’avait pas encore ouvert. Son œil noir n’était ni doux, ni bon, mais brillant, défiant, méchant même. C’était l’œil du coursier arabe, que le fouet et l’éperon rendent fou. Elle pouvait, comme le coursier, voir le mur qui se dressait