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LE CHIEN D’OR

ni de l’autre. Vous étiez libre. Vous étiez heureuse de pouvoir aller où votre cœur vous conduisait, observa Caroline.

Dame Tremblay éclata de rire :

— Pauvre Gile Tremblay ! le désir de mon cœur ! fit-elle en soupirant d’une manière ironique. Tenez, madame, écoutez : il faut que je vous fasse des confidences, moi aussi. Quand j’étais la charmante Joséphine, j’aimais quelqu’un, un seul de tout un troupeau. Malheureusement, ce quelqu’un avait une femme déjà. Alors, de désespoir, je jetai ma ligne à tout hasard, en eau trouble, et je pêchai ce pauvre Tremblay. Je l’épousai. Je l’enterrai presque aussitôt, gaiement et profondément. Pour l’empêcher de se relever, je fis mettre sur sa tombe une pierre pesante avec cette inscription que vous pouvez lire encore :

Le bonheur est, dit-on, fragile.
Je ne le trouve pas ainsi
Depuis que mon cher mari Gile
S’en est venu dormir ici.

Les hommes sont comme les chats ; aimez-les comme ils veulent l’être, et ils vous feront mille gentillesses ; caressez-les à rebours, ils vous égratigneront et se sauveront par la fenêtre. Quand j’étais…

— Ô bonne dame, merci ! c’est assez ! merci du bien que vous m’avez fait ! interrompit Caroline. Laissez-moi, maintenant, je vous en prie ! j’ai besoin de repos, ajouta-t-elle, en fermant les paupières, et s’appuyant la tête au dossier de son fauteuil.

— Le château est paisible maintenant, et les serviteurs fatigués sont tous plongés dans le sommeil, observa la gouvernante. Madame pourrait entrer dans son appartement qui est plus clair et mieux aéré. Elle y sera mieux qu’ici, dans cette lugubre chambre.

— C’est vrai, je n’aime guère cette chambre se-