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le chien d’or

de l’ennemi, si la paix n’est bientôt conclue ! La France nous refuse son secours.

— Ce n’est pas possible ! Excellence ! La France ne trahira jamais ses enfants du Nouveau-Monde… Non, ce n’est pas possible !… Et puis nos ressources ne sont pas toutes épuisées, et nous ne sommes pas encore au pied du mur, Excellence.

— Il ne s’en faut guère, Philibert, je vous l’assure… Mais nous en saurons plus long après le conseil.

— Que disent les dépêches, Excellence, au sujet des négociations ?

Philibert savait comme les prévisions du gouverneur étaient justes d’ordinaire.

— Elles annoncent la paix, et je crois qu’elles sont exactes, Philibert. Vous comprenez que le roi ne peut aisément maintenir, en même temps, ses armées et ses maîtresses. La guerre ou les femmes, pas de milieu ! Or, comme ce sont les femmes qui règnent à la cour et au camp, il est facile de prévoir ce qui arrivera.

— Penser qu’une femme, ramassée dans les égouts de Paris, gouverne la France et répond à vos dépêches ! c’est assez pour rendre fou un honnête homme, reprit Philibert avec colère… Et que dit la Pompadour, ajouta-t-il.

— Elle se montre très fâchée de l’opposition que j’ai faite aux mesures fiscales et à la politique commerciale, — comme elle appelle cela, — de son ami l’Intendant. Elle approuve le monopole de la grande compagnie et prétend que je n’ai pas le droit, comme gouverneur, de contrôler l’Intendant, dans l’administration des finances de la colonie.

Philibert sentit profondément l’insulte faite à l’honneur et à la dignité de son chef. Il lui serra la main avec chaleur.

— Vous êtes un véritable ami, Philibert, lui dit le gouverneur fort touché, dix hommes comme vous pourraient encore sauver la colonie !…

Mais l’heure du conseil est passée et Bigot ne vient pas. Il a sans doute oublié mes ordres.