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le chien d’or

dit de La Corne. Voilà la chance du soldat ! juste au moment où nous allions avoir la musique et le ciel, nous sommes appelés au feu, au camp ou au conseil.

Les visiteurs se levèrent, conduisirent les dames au salon et se disposèrent à sortir. Le colonel Philibert dit un adieu courtois aux dames. Il regarda Amélie dans les yeux un instant, pour savoir un secret qu’il n’aurait pas manqué de surprendre, si elle n’avait tourné vivement la tête vers un vase plein de fleurs. Elle en choisit quelques unes des plus jolies, et les lui offrit en signe du plaisir qu’elle éprouvait à le revoir.

— Souvenez-vous, Pierre Philibert, lui recommanda madame de Tilly en lui tendant une main cordiale, souvenez-vous que le manoir de Tilly est pour vous un second foyer paternel, et que vous y serez toujours le bienvenu.

Philibert, profondément touché, de son exquise et loyale politesse, lui baisa la main avec respect, salua, et se rendit avec de La Corne St. Luc et Le Gardeur au château St. Louis.

Amélie vint s’asseoir à la fenêtre, et la joue appuyée sur sa main tremblante, elle suivit, d’un œil pensif, les gentilshommes qui s’éloignaient. Mille pensées, mille espérances tourbillonnaient dans son esprit, nouvelles, mystérieuses, mais pleines de ravissements. Elle comprit bien que son trouble n’échappait point aux regards de sa bonne tante, mais elle ne dit rien. Elle se délectait en silence dans une joie secrète qui ne se manifeste point par des paroles.

Tout-à-coup elle se leva, et, comme poussée par une force intime, elle se mit à l’harmonium. Elle préluda par quelques symphonies improvisées, et ses doigts timides encore faisaient à peine frémir le clavier d’ivoire. La musique seule pouvait rendre les impressions de son âme. Elle s’anima bientôt et d’une voix angélique, elle se mit à chanter ces glorieuses paroles du psaume 116 :