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le chien d’or

j’avoue que je n’aurais pas reconnu notre aimable Pierre, dans ce colonel, si Le Gardeur ne me l’avait présenté, et je pense bien que vous ne l’auriez pas reconnu davantage.

— Merci de votre aimable attention pour moi, parrain, répondit Amélie, toute reconnaissante surtout de l’estime qu’il manifestait pour Pierre ; mais je crois que ma tante et moi, nous n’aurions pas manqué de le reconnaître.

— C’est vrai ! mon Amélie, confirma madame de Tilly, c’est vrai ! Et nous n’avons pas peur, Pierre, — je veux vous appeler Pierre ou rien, — nous n’avons pas peur que vous mettiez de côté, comme hors de mode, vos anciens amis, pour les nouvelles connaissances que vous avez nécessairement faites dans notre capitale.

— Mes connaissances, madame, ce sont celles d’autrefois ; elles ne vieillissent pas pour mon cœur. Je les aime et les respecte. Je me croirais perdu si j’avais à me séparer de l’une d’elles.

— Alors, elles sont plus durables que les tissus de Pénélope, et vous n’êtes pas comme cette reine qui défaisait, la nuit, ce qu’elle avait fait le jour. Parlez-moi de l’amitié qui ne s’use point !

— Pas un fil de mes souvenances ne s’est rompu, pas un ne se brisera jamais, répliqua Pierre en regardant Amélie, qui tenait les mains de sa tante pour trouver un surcroit de forces.

Les femmes ont toujours besoin de s’appuyer sur quelqu’un.

— Morbleu ! quel est ce style de marchand ? s’écria de La Corne : Du fil, des femmes, des tissus ! Il n’y a pour ces choses, Amélie, meilleure mémoire que celle du soldat ; et pour cause. Sur nos frontières sauvages, vois-tu, le soldat est forcé d’être fidèle à ses vieux amis et à ses vieux habits. Il ne peut pas en avoir de nouveaux. J’ai passé cinq ans sans voir un visage de femme, excepté des peaux rouges… Il y en avait d’assez avenantes, soit dit en passant, ajouta le vieux militaire en riant.