Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/121

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
le chien d’or

dit-il à Bigot ; il apporte des ordres du gouverneur.

Bigot regarda la carte en fronçant les sourcils, et ses yeux étincelèrent quand il lut le nom.

— Le colonel Philibert ! exclama-t-il, l’aide-de-camp du gouverneur ! Qu’est-ce qui l’amène à pareil moment ? Entendez-vous ? continua t-il en se tournant vers Varin. C’est votre ami de Louisbourg, celui qui allait vous mettre dans les fers, et vous envoyer en France pour vous faire juger, quand la garnison menaça de livrer la place parce que nous ne voulions pas la payer.

Varin n’était pas tellement ivre qu’il ne sentît la rage lui monter au cœur, à ce nom de Philibert. Il jeta sa coupe sur la table :

— Je ne boirai pas une goutte tant qu’il ne sera pas sorti ! s’écria-t-il. Maudit cou-croche de La Galissonnière ! ne pouvait-il pas envoyer un autre messager à Beaumanoir ?… Mais je garde son nom sur ma liste ; il me paiera tôt ou tard ses insolences de Louisbourg !

— Tut ! tut ! fermez vos livres ; vous êtes trop commerçants pour des gentilshommes, fit Bigot. Il s’agit de décider si nous allons permettre à Philibert de nous apporter ses ordres ici ; par Dieu ! nous ne sommes guère présentables…

Présentables ou non, il avait à peine achevé que, Philibert, las d’attendre, et trouvant la porte ouverte, se précipita à l’intérieur. Il parut dans la grande salle.

VIII.

Un moment, il s’arrêta stupéfait devant la scène dégoûtante qu’il aperçut.

Il se sentit écœuré par ces visages enluminés, ces langues embarrassées, ce désordre, ces ordures, cette puanteur de l’orgie. Il eut peine à contenir son indignation, à la vue de tant de gens de haut rang et de hautes positions, qui se vautraient encore à pareille heure dans la débauche.