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le chien d’or

mon cadavre !… mais, jamais vivante, je ne paraîtrai devant des hommes… C’est à peine si je puis soutenir votre regard, François, ajouta-t-elle en détournant ses yeux pleins de larmes et sa figure rouge de honte.

— C’est bien, Caroline, reprit Bigot qui admirait réellement son esprit et son énergie ; ils finiront sans vous voir leur joyeuse fête. Ils boiront sans vous aux torrents de vin qui coulent depuis la nuit !…

— Et les pleurs coulent ici, dit-elle tristement… les pleurs coulent bien abondants !… Puissiez-vous, François, n’en jamais connaître l’amertume !…

Bigot marchait d’un pas mieux affermi qu’à son arrivée. Les fumées du vin se dissipaient. C’était au moment les convives chantaient la chanson qu’avait entendue le colonel Philibert en arrivant au château. À peine le refrain fut-il achevé que des coups, répétés avec une fiévreuse impatience, firent retentir la porte.

— Ma chère enfant, dit-il, repose-toi, maintenant, calme-toi. François Bigot n’oublie pas les sacrifices que tu as faits pour son amour. Il faut que j’aille rejoindre les hôtes qui m’appellent ou plutôt te demandent à grands cris.

Il voulut s’éloigner :

— François ! dit-elle en le retenant par la main ; et elle tremblait et sa voix était douce et plaintive, François ! si vous vouliez renoncer à la société de ces hommes et bannir de votre table ces malheureux excès, la bénédiction du Seigneur descendrait sur votre tête et le peuple vous aimerait encore… François ! vous pouvez devenir aussi bon que vous êtes grand. Il y a longtemps que je voulais vous parler ainsi, et je n’osais jamais, j’avais peur. Aujourd’hui, je suis sans crainte, car vous venez de vous montrer plein de bonté pour moi.

Bigot ne pouvait être tout à fait insensible à cette voix pleine de douceur et de tristesse ; mais il était le jouet d’influences étrangères : il ne s’appartenait plus.