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monsieur, c’est le diable et son train qu’un régiment d’Irlandais. Ce n’est la place d’un jeune homme que s’il sait se servir de ses poings. Oh, c’est la fleur du discrédit qu’un régiment irlandais, et des hommes épatants pour foncer avec rage et disperser tout sur le champ de bataille ! Mon premier régiment était irlandais — tous fenians[1] et rebelles jusqu’au fond des moelles : aussi combattirent-ils pour la Veuve mieux que beaucoup, vu leur esprit contradictoire… et irlandais. C’était le Tyrone[2] noir. Vous avez entendu parler de lui, monsieur ?

Si j’en avais entendu parler ! Je connaissais le Tyrone noir pour le plus exquis ramassis de purs sacripants, voleurs de chiens, dévaliseurs de poulaillers, agresseurs de citoyens inoffensifs, et vaillants héros sur les rôles de l’armée. La moitié de l’Europe et la moitié de l’Asie avaient des raisons de connaître le Tyrone noir… bonne chance soit à son drapeau en haillons, que la gloire a toujours accompagné !

— C’était du vif-argent et du salpêtre, ces gars-là ! Dans mes années de jeunesse, j’avais entamé le crâne de l’un d’eux assez profondément avec mon ceinturon, et après quelques aventures que je pas-

  1. Membres du sinn-fein, association révolutionnaire.
  2. Nom d’un comté de la province d’Ulster.