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renfermée dans les veines gonflées de son cou, suppliait son Créateur de le frapper de mort, et entre deux prières s’efforçait de mieux respirer. Une seconde fois Ortheris déversa de l’eau sur son corps frissonnant, et le géant se ranima :

— Et je ne me sentais plus capable de continuer à vivre, et je ne voyais plus rien qui valût la peine de vivre. Écoutez, les gars ! Je suis fatigué… fatigué ! Je n’ai plus que de l’eau dans les os. Laissez-moi mourir.

La concavité de la voûte répercuta en un grave grondement le murmure entrecoupé de Learoyd. Mulvaney me regarda d’un air découragé, mais je me souvins que la folie du désespoir s’était autrefois emparée d’Ortheris, en cette après-midi de démesurée lassitude, sur les bords de la Khemi, et qu’il avait été exorcisé par l’expert magicien Mulvaney.

— Parlez, Térence ! dis-je à celui-ci, car sans cela nous allons voir Learoyd se déchaîner, et il sera pire que ne le fut Ortheris. Parlez ! Votre voix agira sur lui.

Ortheris venait à peine de jeter subrepticement tous les fusils du poste sur le lit de Mulvaney, quand l’Irlandais éleva la voix comme s’il continuait une histoire. S’adressant à moi, il dit :

— À la caserne ou dehors, comme vous dites,