Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Dormir, dit Mulvaney, est un besoin superflu. Cette garde se passera gaiement jusqu’à la relève.

Lui-même était dénudé jusqu’à la ceinture ; sur le bat-flanc voisin, Learoyd ruisselait encore de l’outre d’eau qu’Ortheris, vêtu de son seul pantalon blanc, venait de lui verser sur les épaules ; et un quatrième simple soldat, qui dormait la bouche ouverte sous la clarté du grand falot de garde, balbutiait dans son cauchemar. Il faisait une chaleur effroyable sous la voûte de briques.

— La pire nuit dont je me souvienne, dit Mulvaney. Eah ! Est-ce que tout l’enfer est déchaîné, ce coup-ci ?

Une bouffée de vent brûlant s’engouffra, telle une vague marine, par le guichet de la porte, et Ortheris poussa un juron.

— Te sens-tu mieux, Jack ? demanda-t-il à Learoyd. Mets ta tête entre tes genoux. Ce sera passé dans une minute.

— Je m’en fiche. Ou plutôt je voudrais m’en ficher, mais mon cœur fait toc-toc contre mes côtes. Je voudrais mourir ! Oh, laissez-moi mourir ! geignait l’énorme gars du Yorkshire, que la chaleur éprouvait beaucoup, vu sa constitution charnue.

Celui qui dormait sous le falot se réveilla un instant et se souleva sur un coude.