Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colère s’en aller tout d’un coup. Ai-je besoin que vous me le demandiez deux fois, Annie ?

Là-dessus je glissai mon bras autour de sa taille, car, pardieu, je m’imaginais qu’elle s’était rendue à discrétion et qu’elle m’accordait les honneurs de la guerre.

« — Mais vous devenez fou ? qu’elle dit, en se dressant sur la pointe de ses chers petits pieds. Quand votre bouche d’impertinent est encore humide du lait de votre mère ! Lâchez ! qu’elle dit.

« — Vous ne venez pas de me dire à l’instant même que j’étais en chair et en os ? que je dis. Je n’ai pas changé depuis, que je dis.

« Et je laisse mon bras où il était.

« — Gardez vos bras pour vous, qu’elle dit, les yeux étincelants.

« — Sûr, c’est assez naturel à l’homme, que je dis.

« Et je laisse mon bras où il était.

« — Naturel ou pas, qu’elle dit, enlevez votre bras, ou je le dis à Bragin, et il changera l’aspect naturel de votre tête. Pour qui me prenez-vous ? qu’elle dit.

« — Pour une femme, que je dis : la plus jolie de la caserne.

« — Une femme mariée, qu’elle dit : la plus honnête de la ville.

« Là-dessus je laissai retomber mon bras, reculai