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qui ne se connaît pas elle-même. Il y avait à l’intendance un sergent qui m’a mis en garde contre les « évasions ». À ce propos, je veux vous conter que…

— Tiens-t’en aux nobles capitaines, Mulvaney, dit Ortheris ; les sergents, c’est vulgaire.

Mulvaney accepta l’amendement, et reprit :

— Or je savais que le colonel n’était pas une bête, pas plus que moi, car on me tenait pour l’homme le plus spirituel du régiment, et le colonel était le meilleur officier supérieur de l’Asie ; donc ce qu’il disait et ce que moi je disais c’était la vérité absolue. Nous savions que le capitaine était mauvais, mais, pour des raisons que j’ai déjà passées sous silence, j’en savais plus que mon colonel. Je lui aurais mis la figure en marmelade à coups de crosse de fusil plutôt que de lui permettre de voler la demoiselle. Les saints savent s’il l’aurait épousée, et dans le cas contraire, elle eût été bien en peine, et cela eût fait un scandale du diable. Mais je n’ai jamais frappé mon officier supérieur ni levé la main sur lui, et ce fut un miracle maintenant que je viens à y réfléchir.

— Mulvaney, le jour va se lever, dit Ortheris, et nous ne sommes pas plus avancés qu’au début. Passe-moi ta blague. Il n’y a plus que de la poussière dans la mienne.