Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(Il s’installa commodément sur le dessus de la voiture.) Je vais vous raconter ça. Comme juste, je ne dirai pas les noms des personnes, car il y en a une qui est à présent la dame d’un officier, et je ne nommerai pas non plus les endroits, car si on sait l’endroit on peut retrouver les gens.

— Ouais ! fit nonchalamment Ortheris, mais il me semble que ça va être une histoire compliquée.

— Au temps jadis, comme disent les livres d’enfants, j’étais un jeune soldat…

— Allons donc, toi ? fit Ortheris. Ça, c’est extraordinaire !

— Ortheris, fit Mulvaney, si tu ouvres encore le bec, je te prends, sauf votre respect, monsieur, par le fond de ta culotte et je te balance.

— Je la ferme, reprit Ortheris. Qu’est-ce qui s’est passé quand tu étais un jeune soldat ?

— J’étais un meilleur jeune soldat que tu ne l’as été ou ne le seras jamais, mais cela n’a pas d’importance. Puis je suis devenu un homme, et le diable d’homme que j’étais il y a quinze ans. On m’appelait en ce temps-là Mulvaney le Farceur, et pardieu, les femmes avaient le béguin pour moi. C’est positif ! Ortheris, espèce de salaud, pourquoi te tords-tu ? Est-ce que tu ne me crois pas ?

— Je te crois en plein, fit Ortheris ; mais j’ai déjà entendu quelque chose dans ce goût-là.