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caractère tout à fait ésotérique et qu’elle pouvait aussi bien avoir rapport à n’importe quoi dans ce monde ou dans l’autre. Un profane eût traduit tout son galimatias en ces termes : « Ouvrez l’œil ! Vous avez ri de moi une fois, et à présent c’est moi qui vais vous en faire voir. »

Les coreligionnaires de Lone sahib y découvrirent bien ce sens ; mais leur version était subtile et abondait en mots de quatre syllabes. Ils tinrent un conclave, et furent remplis d’une joie craintive, car, en dépit de leur familiarité avec tous les autres mondes et cycles, les choses envoyées du pays des fantômes leur inspiraient un effroi bien humain. Ils se réunirent dans l’appartement de Lone sahib, ensevelis dans une pénombre sépulcrale, et leur conclave fut interrompu par un tintement parmi les cadres de photos sur la cheminée. Un minuscule chaton blanc, quasi aveugle, se roulait et se tortillait entre la pendule et les candélabres. Cela mit fin aux investigations comme aux doutes. Ils avaient là la Manifestation en personne. Elle était, selon toute apparence, dénuée de but, mais c’était une manifestation d’une indéniable authenticité.

Ils rédigèrent une adresse, destinée à l’Anglais, le renégat de jadis, l’adjurant pour le bien de la Foi, d’avouer s’il y avait quelque rapport entre l’incarnation de tel ou tel dieu égyptien — dont j’ai oublié