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de mêler son nom à la conversation. Il fit donc un signe négatif.

— Y a-t-il quelqu’un que vous haïssez ? reprit Dana Da.

L’Anglais avoua qu’il haïssait profondément plusieurs hommes.

— Fort bien, reprit Dana Da, sur qui le whisky et l’opium commençaient à agir. Donnez-moi simplement leurs noms, et je leur expédierai un « envoi » qui les tuera.

Or, un « envoi » est un affreux maléfice, qui fut, dit-on, pratiqué pour la première fois en Islande. C’est un Être envoyé par un sorcier, et qui peut prendre toutes les formes, mais le plus souvent, il parcourt la terre sous les espèces d’un petit nuage violacé jusqu’à l’heure où il rencontre son destinataire, lequel il tue en prenant l’apparence d’un cheval, ou d’un chat, ou d’un homme sans visage. Ce n’est pas à proprement parler une spécialité indigène, encore que des chamars des castes maigres puissent, s’ils se fâchent, expédier un « envoi » qui se pose nuitamment sur la poitrine de leur ennemi et le tue presque. Bien peu d’indigènes osent pour cette raison irriter les chamars.

— Laissez-moi expédier un « envoi », dit Dana Da. Je serai bientôt mort de besoin, de boisson et d’opium ; mais j’aimerais tuer quelqu’un avant de