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il nous est caché par un coude de la rivière. Est-ce loin de nager jusque-là, sahib ? Enlèveriez-vous vos habits pour tenter l’aventure ? Non. Eh bien ! moi, j’ai nagé jusqu’à Pateera… non pas une, mais beaucoup de fois ; et il y a aussi des muggers[1] dans la rivière.

L’amour ne connaît pas de caste : sinon pourquoi moi, un musulman fils de musulman, serais-je allé prendre une femme hindoue — une veuve d’Hindou — la sœur du chef de Pateera ? Mais il en fut ainsi. Lorsque ceux de la maison du chef s’en allèrent en pèlerinage à Muttra alors qu’Elle était tout nouvellement mariée. Il y avait des bandages d’argent aux roues de son chariot à buffles, et des rideaux de soie la cachaient. Sahib, je ne m’empressai guère de les faire passer, car la brise écarta les rideaux et je La vis, Elle. Quand ils revinrent du pèlerinage le gamin qui lui servait de mari était mort, et je La revis dans le chariot à buffles. Par Dieu, que ces Hindous sont bêtes ! Qu’est-ce que cela me faisait, qu’elle fût Hindoue ou Jaïn… égoutière, lépreuse, ou bien portante ? Je l’aurais épousée et lui aurais bâti une demeure auprès du gué. Ah ! la septième des Neuf Interdictions dit qu’un homme ne peut épouser une idolâtre ? En vérité ? Les Shiahs comme

  1. Crocodiles.