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la terrible mélodie grave et balancée, avec le chœur en faux-bourdon qui imite le glissement de la houille détachée. À chaque mesure, Kundoo tapait dans la ténèbre opaque. Quand il n’en put plus, Sunua Manji prit à son tour le pic, et tapa pour sa vie, pour sa femme, pour son village au delà des montagnes bleues sur la rivière Tarachunda. Durant une heure les hommes travaillèrent, et puis les femmes déblayèrent le charbon.

— C’est plus profond que je ne croyais, dit Janki. L’air est très mauvais ; mais tape, Kundoo, tape fort.

Et tandis que le Sonthal se retirait à quatre pattes, Kundoo leva le pic pour la cinquième fois. Le chant avait à peine recommencé qu’il fut interrompu par un hurlement de Kundoo qui se répercuta dans la galerie :

Par hua ! par hua ! Nous avons traversé ! nous avons traversé !

L’air emprisonné dans la mine jaillit par l’ouverture, et à l’autre bout de la galerie les femmes entendirent l’eau se ruer entre les piliers de la salle de Bullia et déferler contre la corniche. Ayant obéi à la loi qui la régissait, elle n’alla pas plus loin. Les femmes piaillèrent et se poussèrent en avant :

— L’eau monte… nous allons périr ! Avançons !

Kundoo s’introduisit par la brèche en rampant,