Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se met au travail, et s’exerce à teindre des poils, en commençant par des lapins blancs qu’il avait, et puis il dessine toutes les taches de Rip sur le dos d’un bœuf de l’intendance, de façon à se faire la main et à être sûr de ses tons : le brun se dégradait en noir aussi vrai que nature. Si Rip avait un défaut, c’était d’avoir trop de taches ; mais elles étaient étrangement régulières, et, quand il se fut emparé du chien du sergent cantinier, Ortheris s’appliqua à en faire un chef-d’œuvre de première classe. Jamais on n’a vu un chien comme celui-là pour le mauvais caractère, et ça ne l’améliora pas quand il fallut lui raccourcir la queue de deux centimètres et demi. Mais on peut dire tout ce qu’on veut des Académies royales. Je n’ai jamais vu un tableau de peintre animalier égaler la copie des taches de Rip faite par Ortheris pendant que le tableau lui-même ne cessait de gronder tout le temps et s’efforçait de sauter sur Rip qui posait pour son portrait, sage comme une image.

Ortheris a toujours eu un orgueil de lui-même suffisant pour enlever un ballon, et il était si content de son faux Rip qu’il voulait le porter à Mme de Souza dès avant son départ. Mais Mulvaney et moi nous l’en empêchâmes, sachant que l’ouvrage d’Ortheris, malgré son habileté sans égale, n’était qu’à fleur de peau.