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lui, et il choisissait les hommes avec lesquels il travaillait. La coutume — plus forte même que la Compagnie de Jimahari — voulait que Janki, doyen d’âge, possédât ces prérogatives, et aussi qu’il travaillât nonobstant sa cécité. Dans les mines de l’Inde, où l’on taille dans la veine avec le pic et où on déblaie le charbon depuis le plancher jusqu’au toit, il ne pouvait lui arriver grand mal. Chez nous, où l’on attaque le charbon de bas en haut et où on l’abat du toit en redoutables avalanches, il n’aurait jamais eu l’autorisation de mettre le pied au fond. Il n’était guère populaire à cause de ses épargnes d’huile ; mais toutes les équipes avouaient que Janki connaissait tous les khads, ou travaux, qui avaient été foncés ou exploités depuis le jour lointain où la Compagnie de Jimahari entama ses opérations sur les champs de Tarachunda.

La jolie petite Unda ne savait qu’une chose : son vieux mari était un imbécile qu’on pouvait manœuvrer. Elle s’intéressait aux charbonnages uniquement en tant qu’ils engloutissaient Kundoo cinq jours sur sept, et le couvraient de poussière de charbon. Kundoo était grand travailleur, et s’enivrait le moins possible, car, lorsqu’il aurait économisé quarante roupies, Unda projetait de rafler tout ce qu’elle pourrait dans la demeure de Janki et de s’enfuir avec Kundoo vers un pays où il n’y a pas