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vice des charbonnages de Jimahari, à manier le pic et le coin, Janki Meah était aveugle. D’un bout à l’autre de ces trente années, chaque matin avant la descente il avait régulièrement reçu du porion sa ration d’huile de lampe — tout comme les autres mineurs pourvus d’yeux. Ce qui révoltait l’équipe de Kundoo, comme des centaines d’autres avant elle, c’était l’égoïsme de Janki Meah. Il refusait d’ajouter son huile à la provision commune de son équipe, et la gardait pour la vendre.

— Vous n’étiez pas encore au monde que je connaissais déjà ces galeries, répliquait Jenki Meah. Je n’ai pas besoin de lumière pour sortir mon charbon, et je ne suis pas disposé à vous rendre service. Cette huile est à moi, et je prétends la garder.

C’était un homme singulier sous divers rapports, ce Janki Meah, le tisserand aveugle, à cheveux blancs et à mauvais caractère, qui s’était fait ouvrier de mine. Tout le long de la semaine — à part le dimanche et le lundi, jours où il était régulièrement ivre — il travaillait dans la fosse Vingt-Deux du charbonnage de Jimahari, aussi habilement qu’un homme pourvu de ses cinq sens. Le soir il remontait, dans la grande cage mue par la vapeur, jusqu’à la recette, où il réclamait son cheval, une rosse jaunâtre empoussiérée de charbon et presque aussi vieille que Janki Meah. Le cheval s’appro-