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Et Kirpa Ram, le Jat[1], dit :

— Cinq cents ; car j’ai témoigné moi aussi.

Et je gémis, car j’avais eu l’intention de dire deux cents seulement.

Alors une nouvelle crainte m’envahit et mes entrailles se changèrent en eau, et courant vite à la maison de Ram Dass, je me mis à la recherche de mes livres et de mon argent dans le grand coffre de bois sous mon lit. Il n’y restait plus rien… pas même la valeur d’un caurie[2]. Tout avait été enlevé par le démon qui se disait mon frère. J’allai aussi à ma propre maison et ouvris les volets, mais là également il n’y avait plus rien que les rats parmi les corbeilles à grain. En cette heure ma raison m’abandonna, je déchirai mes habits, et courant à la place du puits, réclamai justice des Anglais contre mon frère Ram Dass, et dans ma folie, allai jusqu’à raconter que mes livres étaient perdus. Quand on me vit prêt à sauter dans le puits on crut à la vérité de mon discours, d’autant plus que mon dos et ma poitrine portaient encore les traces des lattes du propriétaire.

Jowar Singh le charpentier me soutint, et me tournant entre ses mains — car il est très fort —

  1. Jat, nom d’une tribu.
  2. Caurie, espèce de coquillage servant de monnaie, d’une valeur encore inférieure à celle du pice.