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Marwar, et un honnête homme. C’est la vérité. Quand nous fûmes arrivés à l’âge d’homme, nous quittâmes la demeure de notre père, à Pali, et nous allâmes au Pundjab, où tous les gens sont des cervelles vaseuses et des fils d’ânesses. Nous prîmes une boutique ensemble à Isser Jang… moi et mon frère… près du grand puits d’où le camp du gouverneur tire son eau. Mais Ram Dass, qui est sans foi, me chercha querelle, et nous nous séparâmes. Il prit ses livres, et ses ustensiles, et sa marque, et devint un bunnia[1] dans la longue rue d’Isser Jang, près la porte de la route qui mène à Montgomery. Ce n’est pas ma faute si nous nous sommes arraché réciproquement le turban. Je suis un Mahajun de Pali, et je dis toujours la vérité. Ram Dass était le voleur et le menteur.

Or personne, pas même les petits enfants, ne pouvait au premier abord voir qui était Ram Dass et qui était Dunga Dass. Mais tous les gens d’Isser Jang (puissent-ils mourir sans enfants mâles !) disaient que nous étions des voleurs. Ils nous injuriaient beaucoup, mais je leur prêtais de l’argent sur leurs lits et sur leurs ustensiles de cuisine, et sur le blé en herbe et le veau à naître, depuis le puits de la grande place jusqu’à la porte de la route de

  1. Changeur, prêteur sur gages.