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cassé les barreaux de la fenêtre. Toi, Suruj Bul, occupe-toi de cela ; et vous, les hommes, activez-vous à votre besogne, car il faut qu’un coureur aille porter les nouvelles au Tigre de Gokral-Seetarun.

Là-dessus, Suruj Bul, s’arc-boutant de l’épaule, brisa en dedans les barreaux de la fenêtre, et moi, battant avec un fouet la jument du havildar, je la fis galoper parmi les couches de melons tant et si bien qu’elles furent toutes foulées de traces de sabots.

Ces choses étant faites, je m’en revins au thana, et la chèvre fut sacrifiée, et les murailles furent noircies par le feu en divers endroits, et chaque homme trempa un peu ses habits dans le sang de la chèvre. Sache, ô sahib, qu’une blessure qu’on se fait à soi-même peut être aisément distinguée, par les gens habiles, d’une blessure faite par autrui. En conséquence, le havildar, prenant son tulwar, frappa l’un de nous légèrement sur l’avant-bras dans le gras de la chair, et un autre à la jambe, et un troisième sur le dos de la main. Ainsi en agit-il avec chacun de nous, de façon à faire venir le sang ; et Suruj Bul, plus zélé que les autres, s’arracha des poignées de cheveux. Ô sahib, jamais il n’y eut mise en scène plus parfaite. Oui, moi-même j’aurais juré que le thana avait subi tout ce que nous disions. On voyait des traces de fumée et de la casse et du sang et de la terre piétinée.