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pour les envoyer à Delhi, car il paraît que la compagnie des tramways de Bombay y achète des chevaux par pleins wagons : à huit chevaux par wagon.

Et il disait vrai.

Je vis alors que cette chasse ne serait pas une bagatelle, car l’homme était passé dans vos frontières pour se préserver de ma colère. Et s’en préservera-t-il ainsi ? Ne suis-je pas actif ? Il aura beau courir au nord jusqu’au Dora et aux neiges, ou au sud jusqu’à l’eau-noire, je le suivrai, comme un amant suit les pas de sa maîtresse, et quand je l’aurai rejoint je le prendrai tendrement… Oh ! combien tendrement !… dans mes bras, disant : « Tu as bien agi et tu seras bien récompensé. » Et de cet embrassement Daoud Shah ne sortira pas avec le souffle de ses narines. Auggrh ! Où est la cruche ? Je suis assoiffé comme une mère jument dans son premier mois.

Votre loi ? Que m’importe votre loi ? Quand les chevaux se battent dans les pâturages, s’occupent-ils des bornes de limite ? ou les milans d’Ali Musjid renoncent-ils à une charogne parce qu’elle se trouve dans l’ombre du Ghor Kuttri ? La chose a commencé de l’autre côté de la frontière. Elle se terminera où il plaira à Dieu. Ici, dans mon pays à moi, ou en enfer. Tous les trois ne sont qu’un.