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penchant sur lui avec des démonstrations de sollicitude, demanda :

— J’espère que vous n’êtes pas blessé grièvement, monsieur ?

Le major s’était évanoui : il avait dans le haut du bras un vilain trou déchiqueté.

Slane s’agenouilla en murmurant :

— Misère de moi, je crois bien qu’il est mort. Vrai, si ce n’est pas malheureux, voilà ma chance fichue !

Mais le major était destiné, pour de longs jours encore, à mener sa batterie aux champs avec un sang-froid inébranlé. On l’emporta pour le soigner et le dorloter jusqu’après convalescence, tandis que la batterie discutait l’opportunité de s’emparer de Simmons et de l’attacher à la gueule d’un canon qu’on ferait partir. Ils idolâtraient leur major, et sa réapparition sur l’esplanade provoqua une scène que ne prévoyaient en rien les règlements de l’armée.

Grande aussi fut la gloire qui échut à Slane. Durant au moins une quinzaine les artilleurs l’auraient volontiers enivré trois fois par jour. Le colonel du régiment lui-même le complimenta sur son sang-froid et le journal de la localité le qualifia de héros. Il n’en était pas plus fier pour cela. Quand le major lui offrit de l’argent avec ses re-