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le second livre de la jungle

courbe de son corps sembla se figer. Frère Gris suivit lestement son exemple, en se tenant un peu sur la gauche pour prendre le vent qui venait de droite, tandis qu’Akela, en trois bonds, remontait le vent de cinquante mètres, et, à moitié tapi sur le sol, tombait aussi en arrêt. Mowgli les regardait avec envie. Il connaissait les choses à l’odorat comme peu d’êtres humains l’auraient pu faire, mais il n’atteignait pas à cette délicatesse d’un nez de Jungle, aussi fine qu’une détente de gâchette à un cheveu près ; et ses trois mois dans le village enfumé l’avaient mis déplorablement en retard. Cependant il mouilla son doigt, le frotta sur son nez, et se dressa, cherchant à prendre le vent le plus haut, le plus faible peut-être, mais le plus sûr.

— L’homme ! — gronda Akela, en se ramassant sur ses hanches.

— Buldeo ! — dit Mowgli, en se rasseyant. — Il suit notre trace… et voici, là-bas, son fusil qui brille au soleil. Regardez !

Ce n’avait été qu’une éclaboussure de lumière, pendant une fraction de seconde, sur les montures de cuivre du vieux mousquet ; mais rien, dans la Jungle, n’a proprement ce clignement d’éclair, sauf lorsque les nuages se poursuivent dans le ciel.