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le miracle de purun bhagat

l’eau jaillissait sous ses pieds nus, et sa robe jaune se collait à son vieux corps amaigri, mais il descendait à grands pas assurés, en s’appuyant sur le barasingh. Ce n’était plus un saint homme, mais Sir Purun Dass, K. C. I. E., Premier Ministre d’un État important, un homme habitué à commander, s’en allant sauver des existences. Par le sentier roide et bourbeux, ils dévalaient ensemble, le Bhagat et ses frères, ils descendaient toujours plus bas. À la fin, le cerf buta, en heurtant le mur d’une aire, et renâcla, car il sentait l’odeur de l’Homme : ils se trouvaient à l’entrée de la rue tortueuse et unique du village. Alors le Bhagat frappa de sa béquille aux fenêtres barricadées de la maison du forgeron, pendant que sa torche flamboyait sous l’abri des auvents.

— Debout et dehors ! cria Purun Bhagat — et il ne reconnut pas sa propre voix, car il y avait des années qu’il n’avait pas parlé haut à un homme.

— La montagne va crouler !… La montagne croule !… Debout et dehors, vous tous dans vos maisons !

— C’est notre Bhagat, dit la femme du forgeron. Il est au milieu de ses bêtes. Rassemble les petits, et appelle.