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le second livre de la jungle

pas rester une journée assis tranquille sans que les bêtes sauvages courent par-dessus son corps comme si c’était un roc ; et, dans cette solitude, les bêtes sauvages, qui connaissaient bien le temple de Kali, ne tardèrent pas à revenir épier l’intrus. Les langurs, les grands singes à favoris gris, de l’Himalaya, vinrent naturellement les premiers, dévorés qu’ils sont de curiosité ; et quand, après avoir renversé l’écuelle, ils l’eurent roulée tout autour de la pièce, quand ils eurent essayé leurs dents sur la béquille à poignée de cuivre et fait des grimaces à la peau d’antilope, ils décidèrent que l’être humain qui se tenait là, si tranquille, devait être inoffensif. Le soir, ils arrivaient en bondissant du haut des pins, et tendaient la main pour des choses à manger, puis repartaient d’un élan, en décrivant des courbes gracieuses. Ils aimaient aussi la chaleur du feu, et se pressaient alentour jusqu’à ce que Purun Bhagat fût obligé de les écarter pour remettre du bois ; et, le matin, une fois sur deux, il lui arrivait de trouver un singe à fourrure grise, qui partageait sa couverture. Tout le long du jour, un membre ou un autre de la tribu restait assis à ses côtés, les yeux fixés sur l’horizon des neiges, avec un cri parfois, et des expressions de sagesse et de mélancolie indicibles.