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le miracle de purun bhagat

et Purun Bhagat l’entendait lâcher l’écuelle et s’enfuir aussi vite que ses petites jambes pouvaient le porter. Mais le Bhagat ne descendait jamais au village. Celui-ci s’étendait comme une carte géographique à ses pieds. Il pouvait contempler les assemblées du soir, qui se tenaient dans l’enceinte des aires à battre, parce que c’était le seul terrain nivelé ; le vert unique et merveilleux du jeune riz en herbe ; les tons indigos du maïs ; les carrés de sarrazin semblables à des pièces d’eau ; et, dans sa saison, la fleur rouge de l’amaranthe, dont la minuscule semence, ni graine ni légume, constitue une nourriture que tout Hindou, en temps de jeûne, peut légitimement absorber.

Au déclin de l’année, le toit de chaque hutte devenait un petit carré de l’or le plus pur, car c’était sur les toits qu’ils mettaient à sécher la balle de leur blé. La récolte du miel et celle du froment, les semailles du riz et sa décortication, se tissaient sous ses yeux, comme une broderie sur le canevas des champs, et il pensait à toutes ces choses tout en se demandant à quel but lointain elles pourraient bien mener les hommes, à la fin de tant de saisons.

Même dans l’Inde populeuse, un homme ne peut