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le second livre de la jungle

tait, tout le long d’une lente et claire journée, à n’apercevoir rien de plus qu’un ours brun qui grognait en déterrant des racines, très loin au-dessous de lui, au fond de la vallée.

Au premier moment de son départ, la rumeur du monde qu’il laissait derrière lui grondait encore à ses oreilles, comme se prolonge dans un tunnel le grondement d’un train après qu’il a passé ; mais, une fois franchi le défilé de Mutteanee, ce fut fini, et Purun Bhagat se retrouva seul avec lui-même, marchant, s’émerveillant, et songeant, les yeux fixés à terre, et ses pensées parmi les nuages.

Un soir, il passa le plus haut défilé qu’il eût encore rencontré — c’était après deux jours d’ascension — et déboucha en face d’une chaîne de pics neigeux qui nouaient une ceinture autour de l’horizon — montagnes de quinze ou vingt mille pieds de haut, qu’on eût dit à un jet de pierre, bien qu’elles fussent éloignées de cinquante ou soixante milles. Une forêt, aussi sombre qu’épaisse : déodars, noyers, merisiers, oliviers et poiriers sauvages, où dominaient les déodars, les cèdres de l’Himalaya, couronnait le défilé ; et, à l’ombre des déodars, se dressait un sanctuaire abandonné, naguère dédié à Kali — qui est Durga, qui est