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comment vint la crainte

crainte que nous connaissons maintenant ; et nous nous enfuîmes, en nous piétinant les uns les autres et nous entre-déchirant, parce que nous avions peur. Cette nuit-là, m’a-t-on dit, nous autres de la Jungle, ne reposâmes pas ensemble, comme c’était notre coutume ; mais chaque tribu se retira de son côté, — le sanglier avec le sanglier, le cerf avec le cerf ; corne à corne, sabot contre sabot, — chacun avec les siens ; et ainsi, tout frissonnants, ils se couchèrent dans la Jungle,

« Seul, le Premier Tigre n’était pas avec nous, car il se cachait encore dans les Marais du Nord, et lorsqu’on lui parla de la Chose que nous avions vue dans la grotte, il dit : « J’irai trouver cette Chose, et je lui romprai le cou. » Ainsi courut-il toute la nuit, jusqu’à ce qu’il arrivât devant la grotte ; mais, à son passage, les arbres et les lianes, se souvenant de l’ordre qu’ils avaient reçu de Tha, courait, abaissaient leurs branches et le marquaient, tandis qu’il courait, traînant leurs doigts sur son dos, ses lianes, son front et son jabot. Partout où ils le touchaient, une marque et une rayure restaient sur sa peau jaune. Et ce sont ces rayures que portent ses enfants aujourd’hui ! Lorsqu’il arriva devant la grotte, la Crainte, l’Être sans Poil, tendit vers lui