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le second livre de la jungle

suis, et très beau, tout entier de la même couleur que la fleur de la liane jaune. Il n’y avait sur sa peau ni taches, ni rayures en ces jours heureux où la Jungle était neuve. Tout le Peuple de la Jungle venait à lui sans crainte, et sa parole servait de Loi. Nous ne formions alors, rappelez-le-vous, qu’un seul peuple. Cependant, une nuit, deux chevreuils se prirent de querelle — une querelle à propos de pacage, comme vous en videz maintenant à coups de tête et à coups de pieds, et, pendant que les deux adversaires s’expliquaient devant le Premier Tigre couché parmi les fleurs, on raconte qu’un des Chevreuils le poussa de ses cornes. Et le Premier Tigre, oubliant qu’il était le maître et le juge de la Jungle, sauta sur le Chevreuil et lui brisa le cou.

« Jusqu’à cette nuit-là, jamais personne de nous n’était mort, aussi le Premier Tigre, voyant ce qu’il avait fait, et affolé par l’odeur du sang, se réfugia dans les marais du Nord, et nous autres de la Jungle, restés sans juge, nous tombâmes en de continuelles batailles. Tha en entendit le bruit et revint. Et les uns lui dirent une chose, les autres une autre, mais il aperçut le chevreuil mort parmi les fleurs, et demanda qui avait tué. Per-