Page:Kipling - Le Second Livre de la jungle.djvu/341

Cette page a été validée par deux contributeurs.
332
le second livre de la jungle

n’avaient pas perdu la douceur de leur regard. Même au fort d’un combat, ils ne flamboyaient jamais comme ceux de Bagheera ; ils prenaient seulement un air d’intérêt et de surexcitation croissante, et c’était une des choses que Bagheera elle-même ne comprenait pas.

Elle questionna à ce sujet Mowgli, et le garçon se mit à rire en disant :

— Lorsque je manque mon coup, j’en suis fâché. Lorsqu’il me faut aller deux jours le ventre vide, j’en suis plus fâché encore. Est-ce que mes yeux, alors, ne le disent pas ?

— Ta bouche a faim, repartit Bagheera, mais tes yeux ne disent rien. Chasser, manger, se baigner, c’est tout un pour toi — tu es comme une pierre dans la pluie ou le soleil.

Mowgli la regarda nonchalamment par-dessus ses longs cils, et, comme toujours, la tête de la panthère s’inclina. Bagheera reconnaissait son maître.

Ils étaient couchés à l’écart, très haut, sur le flanc d’une colline qui dominait la Waingunga, et les brumes du matin s’étendaient au-dessous d’eux en bandes blanches et vertes. À mesure que le soleil montait, elles devinrent les flots bouillonnants d’une