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le second livre de la jungle

Mowgli allongea une de ses jambes et agita les doigts de son pied nu juste au-dessus de la tête du chef. C’était assez, et plus qu’il n’en fallait, pour éveiller dans tout le clan une rage aveugle : les gens qui ont du poil entre les doigts de pied n’aiment pas qu’on le leur rappelle. Mowgli retira sa jambe au moment où le chef sautait, et dit suavement :

— Chien, chien rouge ! Retourne au Dekkan manger des lézards. Va retrouver Chikai, ton frère, chien, chien, chien rouge ! Tu as du poil entre chaque doigt de pied !

Il agita ses doigts de pied une seconde fois.

— Descends, avant que nous te délogions par la famine, singe sans poil ! hurla le clan.

C’était justement ce que Mowgli voulait. Il se coucha tout du long de la branche, la joue contre l’écorce, le bras droit libre, et, pendant cinq minutes au moins, il raconta au clan ce qu’il pensait et savait de lui, de ses façons, de ses mœurs, de ses femelles et de ses petits. Il n’est pas au monde de langage plus âcre et plus blessant que celui dont se sert le Peuple de la Jungle pour montrer son dédain ou son mépris. Quand il vous arrivera d’y penser, vous verrez comment il n’en peut être