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chissante, et arrivaient sur la banquise comme une flotte d’autrefois, toutes voiles dehors. Mais un iceberg, prêt, en apparence, à balayer le monde devant lui, échouait piteusement, chavirait, soudain pataugeant dans une mousse d’écume boueuse et dans un enveloppement d’embruns glacés, tandis qu’un autre, beaucoup plus petit et moins élevé, éventrait et chevauchait la banquise plate, rejetant de part et d’autre des tonnes de déblais, et ouvrant une entaille d’un mille avant de s’arrêter. Quelques-uns tombaient comme des glaives, en taillant des canaux aux berges coupantes, d’autres éclataient en grêle de blocs pesant chacun des vingtaines de tonnes, qui tournoyaient et patinaient parmi les hummocks. D’autres encore, en touchant, se dressaient d’un élan hors de l’eau, se tordaient comme de douleur, et retombaient sur le flanc, d’une masse, tandis que la mer poudroyait par-dessus leurs épaules. Ce travail de la glace, foulée, tassée, fléchie, bouclée, arc-boutée, sous toutes les formes possibles, continuait à perte de vue le long de la ligne nord de la banquise.

Du point où se trouvaient Kotuko et la jeune fille, ce chaos ne formait en apparence qu’une ondulation incertaine et rampante au ras de l’horizon,