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trouvaient aux prises avec le plus réel danger. Les trois jours de tempête avaient refoulé vers le Sud les eaux profondes de la baie de Baffin, et les tassaient contre le bord de l’immense champ de glaces qui s’étend de l’île de Bylot vers l’Ouest. En outre, le fort courant qui prend naissance dans l’est, au large détroit de Lancastre, charriait avec lui, sur une longueur de plusieurs milles, ce qu’on appelle de la glace en paquets, glace rugueuse qui n’a pas gelé en champs ; et ces paquets étaient en train de bombarder la banquise, en même temps que l’ébranlaient et la minaient la houle et le flux d’une mer soulevée par la tempête. Les bruits auxquels Kotuko et la jeune fille avaient prêté l’oreille étaient les échos affaiblis de cette lutte à trente ou quarante milles de là, et c’était au choc de cette lutte que tremblait la petite tige indiscrète.

Or, comme le disent les Inuit, lorsqu’une fois la glace se réveille après son long sommeil d’hiver, personne ne sait ce qui peut arriver, car la massive banquise change de forme presque aussi vite qu’un nuage. La tempête était évidemment une tempête de printemps, lâchée hors de saison, et tout devenait possible.

Cependant les deux jeunes gens se sentaient, en