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comporte aucune dépense de force, on n’aura pas de peine à croire que l’attente immobile dans la boucle, lorsque le thermomètre marque quarante degrés peut-être au-dessous de zéro, soit la plus dure besogne que connaisse un Inuit. Quand un phoque était pris, Kotuko, le chien, bondissait en avant, sa courroie traînant derrière lui, et il aidait à tirer le corps jusqu’au traîneau près duquel les chiens, las et affamés, reposaient maussadement à l’abri de la glace brisée.

Un phoque, cela n’allait pas très loin, car chaque bouche, dans le village, avait droit à sa part ; on n’en gaspillait ni os, ni peau, ni tendon. Les morceaux réservés d’ordinaire aux chiens passèrent à l’usage des hommes ; Amoraq nourrissait l’attelage avec les lambeaux de peau de vieilles tentes d’été, qu’elle tirait de dessous le banc de repos, et les bêtes hurlaient et hurlaient encore, et se réveillaient pour hurler de faim. On pouvait, aux lampes de huttes, s’apercevoir que la famine n’était pas loin. Lors des bonnes saisons, quand la graisse abonde, la flamme, dans les vases en forme de bateau, monte à deux pieds de haut, joyeuse, grasse et jaune. Maintenant, elle avait six pouces à peine. Amoraq rabattait avec soin, du