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le second livre de la jungle

soir, à l’heure du souper, il s’en prît au gros chef noir (Kotuko, le Garçon, veillait au franc jeu) et le réduisît, comme ils disent, au rôle de second chien. De sorte que, promu à la longue courroie du chien de tête, il dut, désormais, courir à cinq pieds en avant de tous les autres, accepter le devoir strict de mettre le holà à toute bataille, sous les harnais comme ailleurs, et porter un collier de fils de cuivre très épais et très lourd. En certaines occasions on lui donnait de la nourriture cuite à l’intérieur de la maison, et parfois on lui permettait de coucher sur le banc avec Kotuko. C’était un bon chien de phoques, et capable de mettre aux abois un bœuf musqué rien qu’à courir alentour et à lui japper aux talons. Il osait même — ce qui, pour un chien de traîneau, est le dernier mot de la bravoure — il osait même tenir tête au loup décharné de l’Arctique, que tous les chiens du Nord, en règle générale, craignent entre tout ce qui court sur la neige. Lui et son maître — ils ne considéraient pas les chiens de l’équipage ordinaire comme une compagnie digne d’eux — chassaient ensemble, jour et nuit, nuit et jour — le jeune garçon sous ses fourrures, et la bête jaune, œil étroit, crocs luisants, féroce, sous ses poils défaits.