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le second livre de la jungle

ter tranquille dans l’eau paresseuse, on en gardait un sur vingt qu’on laissait aller ; et par-dessus tout, les Anglais n’étaient pas embarrassés de bijoux, d’anneaux de nez et de chevilles, comme mes femmes en portent aujourd’hui. Qui trop aime parure finit par collier de chanvre, dit le proverbe. Tous les Muggers de toutes les rivières devinrent gras alors, mais mon Destin voulut que je devinsse le plus gras de tous. Le bruit courait que l’on jetait tous les Anglais dans les rivières, et, par la Droite et la Gauche du Gange, nous crûmes que c’était vrai ! Aussi loin que je poussai dans le sud, j’eus raison de croire que c’était vrai, et je descendis au-delà de Monghyr, et des tombeaux qui dominent la rivière.

— Je connais l’endroit, dit l’Adjudant. Depuis cette époque, Monghyr est une cité perdue. Il y a peu de gens qui habitent là maintenant.

— Après cela, je remontai le courant sans me presser et en flânant, et, un peu au-dessus de Monghyr, je vis descendre un bateau plein de visages blancs — en vie ! C’étaient, je m’en souviens, des femmes couchées sous une étoffe tendue sur des bâtons, et qui pleuraient très fort. À cette époque, jamais on ne tirait un coup de feu sur nous,