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le second livre de la jungle

Non, ils crient : Au meurtre ! et leurs familles se battent avec des bâtons, une vingtaine dans chaque camp. Mon peuple est un peuple de braves — Jats des hautes terres — Malwais du Bêt. On ne s’y donne pas de coups pour rire, et, quand la bataille prend fin, le vieux Mugger attend très bas en aval, hors de vue du village, derrière le taillis de kikars, là-bas. Alors, les voici qui descendent, mes Jats aux larges épaules, — huit ou neuf ensemble, au clair des étoiles, portant le mort sur une civière. Ce sont des vieillards à barbes grises, à voix aussi caverneuses que la mienne. Ils allument un petit feu… Ah ! comme je connais bien ce feu !… et ils avalent du tabac, et se mettent à hocher la tête, assis en cercle, soit en avant ou de côté, vers l’homme mort sur la berge. Ils disent que la justice anglaise viendra avec une potence pour régler cette affaire, et que la famille d’un tel sera déshonorée parce qu’un tel aura été pendu dans la cour de la prison. Alors, les amis du mort disent « Qu’on le pende ! » Et la même conversation de recommencer… une fois, deux fois, vingt fois au cours de la longue nuit. Puis quelqu’un dit enfin : « Le combat fut loyal. Prenons l’argent du sang, un peu plus que ne nous offre le meurtrier, et nous n’en parlerons plus. »