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les croque-morts

la rivière, l’inondation avait baissé, et il me fallut marcher à travers la boue de la grande rue. Oui, moi, et pas un autre ! Tout mon peuple sortit, prêtres, femmes, enfants, et je laissai tomber sur eux un regard de bienveillance. La boue n’est pas un endroit propice pour combattre. « Prenez des haches, et tuez-le, dit un batelier, car c’est le Mugger du gué. » « Ne faites pas cela, dit le Brahmane, voyez, il chasse l’inondation devant lui ! C’est le génie du village. » Alors, ils me jetèrent des fleurs en grand nombre, et l’un d’eux eut l’heureuse pensée de mettre sur ma route une chèvre.

— Comme c’est bon… comme c’est excellent, la chèvre ! dit le Chacal.

— Des poils… trop de poils, et quand on en trouve dans l’eau, elles dissimulent trop souvent un hameçon en croix. Mais, cette chèvre-là, je l’acceptai, et redescendis au Ghaut, plein d’honneurs. Plus tard, mon Destin m’envoya le batelier qui avait exprimé le désir de me couper la queue avec une hache. Son bateau échoua sur un vieux banc dont vous ne pouvez vous souvenir.

— Nous ne sommes pas tous ici des Chacals, dit l’Adjudant. Était-ce le banc qui se forme à l’endroit où coulèrent les bateaux chargés de pierre,