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le second livre de la jungle

Un batelier se retourna sur le plat-bord où il était assis, leva la main, dit quelque chose qui n’était point précisément une bénédiction, et les bateaux s’éloignèrent avec des craquements dans le crépuscule. La large rivière indienne, qui présentait plutôt l’aspect d’un chapelet de petits lacs que d’un fleuve, polie comme un miroir, reflétait à mi-courant le rouge sablonneux du ciel, tandis que le long des rives basses, et sous leur ombre, elle s’éclaboussait de traînées d’ocre et de pourpre foncé.

De petites criques s’y ouvraient durant la saison humide ; mais, maintenant, leurs bouches desséchée bâillaient bien au-dessus du niveau de l’eau. Sur la rive gauche, presque sous le pont du chemin de fer, s’élevait un village de boue, de briques, de chaume et de menu bois, dont la rue principale, remplie de bétail rentrant aux étables, aboutissait en ligne perpendiculaire à la rivière, et se terminait par une sorte de grossière jetée en briques le long de laquelle les gens qui voulaient se laver pouvaient pénétrer pas à pas dans l’eau. C’était le Ghaut du village de Mugger-Ghaut.

La nuit tombait rapidement sur les champs de lentilles, de riz et de coton, situés en contre-bas et