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la descente de la jungle

ruèrent, d’un élan, après les chaleurs de l’été. Alors ils sortirent dans la boue, hommes, femmes et enfants, à travers la chaude pluie aveuglante du matin, et ils se retournèrent, par un mouvement naturel, pour jeter un regard d’adieu sur leurs maisons.

Au moment où la dernière famille, ralentie par ses fardeaux, passait la barrière, on entendit derrière les murs un craquement de poutres et de chaume croulant. Un instant, dressée comme un reptile noir, une trompe polie apparut, qui éparpillait le chaume en bouillie ; elle plongea et on entendit un nouveau craquement suivi d’un cri farouche. Hathi venait d’arracher les toits des huttes comme on cueille dans l’eau une touffe de nénuphars ; mais une poutre, en rebondissant, l’avait piqué. Il n’avait besoin que de cela pour déchaîner toute sa force, car, de tous les hôtes de la Jungle, l’éléphant sauvage en fureur est le plus emporté dans ses destructions. Il culbuta d’une ruade un mur d’argile qui s’émietta sur le coup et fondit en boue jaune sous les torrents de pluie. Ensuite il vira, barrissant, se jeta dans les rues étroites, s’appuyant contre les huttes, à droite et à gauche, secouant les portes branlantes et les auvents rebroussés, tandis que ses trois fils faisaient rage derrière lui,