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la descente de la jungle

pace, vers la route de Kanhiwara, et s’en retourna dans sa Jungle, suivant des yeux le peuple d’animaux qui dérivait au travers. Il savait que lorsque la Jungle bouge, seuls les hommes blancs peuvent espérer en détourner la marche.

Nul besoin de demander l’intention de son geste. La courge sauvage pousserait là où ils avaient adoré leur Dieu. Il ne leur restait qu’à se sauver, et le plus tôt serait le mieux.

Mais un village ne brise pas si facilement ses amarres. Ils demeurèrent encore tant qu’il resta quelques vivres d’été ; ils essayèrent même de ramasser des noix dans la Jungle, mais des yeux ardents les épiaient, des ombres se mouvaient devant eux en plein midi, et lorsque, épouvantés, ils rentraient dans les murs en courant, au tronc des arbres près desquels ils avaient passé cinq minutes à peine auparavant, l’écorce pendait en lambeaux, déchiquetée par les griffes de quelque patte puissante. D’autre part, plus ils se confinaient dans le village, plus s’enhardissaient les créatures sauvages qui gambadaient et meuglaient sur les pâtis au bord de la Waingunga. Ils n’avaient pas le cœur de relever ni de replâtrer le mur extérieur de leurs étables vides, adossé à la Jungle ; les sangliers en achevèrent