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faiseur de ragots, il n’en voulait pas moins te parler d’une chose qui te touche de près. Ouvre donc ces yeux-là, petit frère : Shere Khan n’ose pas te tuer dans la jungle ; mais rappelle-toi bien qu’Akela est très vieux, que bientôt viendra le jour où il ne pourra plus tuer son chevreuil, et qu’alors il ne conduira plus le clan. Beaucoup des loups qui t’examinèrent quand tu fus présenté au Conseil sont vieux maintenant, eux aussi, et les jeunes loups pensent — Shere Khan leur a fait la leçon — qu’un petit d’homme n’est pas à sa place dans le clan. Bientôt tu seras un homme…

— Et qu’est-ce que c’est qu’un homme qui ne courrait pas avec ses frères ? dit Mowgli. Je suis né dans la jungle, j’ai obéi à la Loi de la Jungle, et il n’y a pas un de nos loups des pattes duquel je n’aie tiré une épine. Ils sont bien mes frères !

Bagheera s’étendit de toute sa longueur, et ferma les yeux à demi.

— Petit frère, dit-elle, mets ta main sous ma mâchoire.

Mowgli avança sa forte main brune, et, juste sous le menton soyeux de Bagheera, où les formidables muscles roulaient dissimulés dans la fourrure lustrée, il sentit une petite place nue.