Page:Kipling - Le Livre de la jungle, trad. Fabulet et Humières.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus il tambourinait, tout seul parmi le fourrage des éléphants. Il n’y avait ni air ni paroles, mais tambouriner le rendait heureux. Les nouveaux éléphants tiraient sur les cordes, piaulaient de temps en temps et trompettaient, et il pouvait entendre sa mère, dans la hutte du camp, qui endormait son petit frère avec une vieille, vieille chanson sur le grand dieu Siva, lequel a dit jadis à tous les animaux ce qu’ils devaient manger… C’est une berceuse très douce et dont voici le premier couplet :

Shiv qui versa les moissons et qui fit souffler les vents,
Assis aux portes en fleur d’un jour des anciens temps,
Donnait à chacun sa part : vivre, labeur, destinée,
Du mendiant sur le seuil à la tête couronnée.
Toutes choses a-t-il faites, Shiva le Préservateur,
Mahadeo ! Mahadeo ! toutes choses :
L’épine pour le chameau roux, le foin pour les bœufs du labour.
Et le sein des mères pour la tête endormie, ô petit fils de mon amour !

Petit Toomai accompagnait la chanson d’un joyeux tunk-a-tunk à la fin de chaque couplet, jusqu’au moment où il eut sommeil et s’étendit lui-même sur le fourrage, à côté de Kala Nag. Enfin les éléphants commencèrent à se coucher, l’un après l’autre, selon leur coutume ; et bientôt, Kala Nag, à la droite de la ligne, demeura seul debout : il se balançait lentement, de ci de là, les oreilles